Dr Noumessi Pierre « Les merveilles de la pharmacopée africaine seront visibles ce jour-là »
Membre du Secrétariat Technique de la médecine africaine au parlement, Vice-président de l'association nationale des tradi-praticiens du Cameroun, Dr Noumessi Pierre pratique la médecine africaine depuis plusieurs décennies. Au quotidien, il soigne des nombreux Camerounais et Beninois de même que tous ceux qui sollicitent ses services. Président du comité d’organisation de la 20ème édition de la journée internationale de la pharmacopée africaine, celui-ci parle des prouesses de cette médecine. Dans une interview accordée à la Nouvelle Expression, il revient sur l’intérêt de l’enseigner dans nos universités. Il parle aussi de l’effet positif de la Covid 19 sur la reconnaissance internationale de cette médecine et de la 20ème édition de la Journée Internationale de la pharmacopée africaine qui se célèbre le 31 août 2022. Lisez plutôt !
Qu’est ce que la pharmacopée africaine ?
La pharmacopée africaine, c'est l'ensemble de savoir-faire africain. C’est ce que font tous ceux qui ont des capacités de donner des remèdes naturels pour la guérison des maladies. La pharmacopée africaine c’est aussi l’ensemble des remèdes naturels ou encore bio qui sont favorables pour des guérisons. Ces produits ne sont pas rejetés par nos organismes parce qu’ils correspondent à notre ADN. C’est en fait l’ensemble des traitements administrés à un patient à base des plantes et techniques naturelles.
Quelle est la différence entre la pharmacopée africaine et la médecine moderne ?
La différence entre la pharmacopée africaine et la médecine conventionnelle c'est que, la médecine africaine de manière naturelle est une médecine qui utilise simplement les essences extraites des plantes naturelles pour soigner. Ce sont des résines complètes et incomplètes parce qu’on prend une plante entière pour soigner les patients. De l'autre côté, on a besoin pour soigner des malades des produits de synthèse. La médecine moderne soigne avec des molécules protégées, avec des produits qui sont parfois des antibiotiques. Ce sont des produits pas du tout naturels. L'avantage que nous de la médecine africaine avons, c’est que, notre ADN accepté aussi facilement les produits de la médecine africaine.
La 20e édition de la Journée Internationale de la pharmacopée africaine se célèbre le 31 août 2022. Est-ce que vous pouvez faire un état des lieux de cette médecine aujourd'hui ?
Effectivement nous célébrons la 20ème édition de la pharmacopée africaine le 31 août 2022 Déjà, il faut savoir que c'est moi qui suis derrière l’organisation de la 20e édition de cet évènement. Il faut comprendre que le chemin de cette pharmacopée a été très étouffé. Et aujourd'hui, c'est une médecine qui est sortie de l'obscurantisme. Et qui est devenue très utile pour les populations africaines dans l'ensemble. Cette médecine est au centre de tous les combats que nous avons eu. Ces combats nous permettent aujourd’hui d’avoir une place au soleil. L’Afrique est un continent considéré comme une vache à lait pour tous les autres peuples. C’est en Afrique qu’il y a toutes les plantes ayant des propriétés médicinales utiles.
En effet, c’est la Covid 19 qui a permis à la pharmacopée africaine de montrer ces prouesses. A travers les différents produits et formules que nous avons inventés, nous avons stoppé la propagation de cette maladie. Les mauvaises langues annonçaient l’hécatombe en Afrique. Nous avons travaillé. Et, aujourd'hui les choses ont changé, la médecine conventionnelle aussi. Seulement sur le terrain, nous rencontrons encore beaucoup de problèmes avec des charlatans qui se font passer pour des thérapeutes. Malgré cet état de chose, il faut dire que la pharmacopée africaine évolue. Notre gouvernement a pris les taureaux par les cornes en nous donnant notre chance. Et nous avons prouvé pendant la pandémie du Covid 19. Au vu de ce que nous avons fait, le Président de la République a demandé de créer une Commission parlementaire au niveau de l'Assemblée nationale. Et je suis conseiller technique de cette commission là pour cette médecine africaine. Vous voyez bien que les choses ont tellement avancé
Vous dites que c'est avec la covid-19 que vous avez un peu d’espace. Est-ce à dire qu’on ne vous considérait pas ?
Au départ, c'était compliqué. Beaucoup de médecins de la médecine moderne ne nous acceptaient pas. C’est à partir de la pandémie du covid-19 qu’on a commencé à prendre véritablement au sérieux. Nous avions fait plusieurs réunions au niveau du ministère de la Santé publique avec les autres médecins. Et ensemble on cherchait comment faire pour protéger notre pays. Je pense la covid-19 a fait beaucoup de merveilles à la pharmacopée africaine. Nous avons soigné beaucoup de gens dans le monde. J’ai obtenu des titres grâce à ces combats-là.
Quelles sont les faiblesses de la pharmacopée africaine?
Cette pharmacopée a aussi beaucoup de faiblesses. Des faiblesses liées au fait que beaucoup de personnes de notre secteur d’activité n'ont pas le courage de s'exprimer. Parce qu'ils ont peur. Des personnes qui viennent souvent se soigner chez nous, se cachent pour le faire. Parfois après avoir obtenu guérison, ils s’en vont. Ils ne viennent pas nous rendre compte. Et c’est un peu difficile d’apprécier ce que nous faisons.
Nous avons aussi au sein de notre corps de métier, des gens qui font semblant d'être des pratiquants pourtant au fond, ils sont simplement à la chasse d'argent. Cela existe dans toutes les activités. Malgré ces faiblesses, je pense que nous sommes en train de surmonter, les choses vont dans le bon sens.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre secteur d'activité ?
Je vous parlais tout à l’heure des personnes qui se cachaient pour venir chez nous, des médecins qui refusaient carrément notre médecine et qui l’ignoraient aussi. Je pense qu' au regard de l'engagement pris par l'Etat du Cameroun pour nous accompagner, on ne pourra plus parler des difficultés. Puisque les choses sont en train d’aller dans le bon sens. La médecine traditionnelle a déjà une place imposante. Car, c’est tout le monde qui a compris son importance.
Quel rapport entretient la pharmacopée africaine et la médecine conventionnelle?
La médecine conventionnelle ou occidentale a fait ses preuves. Nous travaillons en collaboration avec elle. Nous travaillons avec le ministère de la Santé publique, le Ministère de la Recherche Scientifique et le ministère de la Culture. Nous ne rejetons pas la médecine des autres. L'influence de la médecine occidentale ne se démontre plus. Il faut simplement savoir que nous avons notre médecine aussi et la collaboration est très importante.
A quand la vente des produits de la pharmacopée africaine dans les pharmacies conventionnelles ?
La présence des produits de la pharmacopée africaine dans les rayons de pharmacie conventionnelle ne va pas tarder. L'État du Cameroun a pris des engagements dans ce sens là. La loi sur la légalisation de la pharmacopée africaine sera promulguée bientôt. Nous attendons qu’elle soit votée à l’assemblée nationale. J'ai constaté que l'État est en train de s'organiser. Beaucoup de choses seront faites à notre avantage. Et il faut que l’Etat nous accompagne dans l’industrialisation de la pharmacopée africaine.
Que faut-il faire pour que la pharmacopée africaine soit exportée ?
Bon comme je disais tantôt, je pense que nous sommes sur le bon chemin Je sais que ça va marcher. Du moment où nous allons avoir l'ordre des médecins traditionnel, tout va se mettre en place .Je pense qu’on aura plus rien à craindre. Vous allez commencer à voir les remèdes que nous faisons dans les pharmacies conventionnelles comme dans au Bénin. Je constate bien que dans les pharmacies au Bénin, on trouve des écorces, des infusions et même des décoctions et plein d’autres produits. Si c’est faisable dans ces pharmacies là, pourquoi pas au Cameroun. Donc moi je suis convaincu que nous aurons bientôt les étals plein de produits naturels dans nos pharmacies.
Les produits de la pharmacopée africaine ont fait leur prouesse pendant la Covid 19. Que sont devenus ces produits après ?
Nous sommes comme des nouveau-nés qui attendent les actes de naissance. Tous les produits que nous avons proposés pour soigner le coronavirus sont là. Nos propositions sont dans les différents ministères, nos demandes de légalisation sont en attente au ministère de la Santé Publique, au ministère de la Recherche Scientifique. Ces produits ont fait leur effet, C’était très favorable. Nous attendons qu’ils nous donnent les autorisations de production. On ne peut pas lancer la charrue avant les bœufs
Il faut bien que la loi soit là pour que cette médecine soit mieux considérée, je sais qu'on a homologué, c’est un produit mais ça reste toujours des adjuvants au traitement du Corona. C’était déjà une fierté il faut le dire, une reconnaissance. Il fallait encourager les efforts de la pharmacopée traditionnelle. Les produits sont là. C'est juste la loi seule qui va nous protéger et nous permettre de nous exprimer de manière concurrentielle avec tous les autres produits dans le monde.
Est-ce qu’on peut apprécier la part de la pharmacopée africaine dans l’industrie pharmaceutique mondiale ?
Lors de mon intervention à l'Assemblée nationale, j'avais dit que mon combat était de lutter contre les évacuations sanitaires. Parce qu'on ne peut pas laisser les remèdes autour de nous, pour aller acheter en France. Forcément des médicaments coûtent des milliards. D’ ailleurs, j'ai demandé qu’on essaie déjà de voir comment faire pour que cette pharmacopée que nous voulons créée beaucoup plus d'emplois dans ce pays. Il a tellement de richesse que nous pouvons exploiter. Mais, il faudrait aussi une main d'œuvre qualifiée pour satisfaire la population. Nous n'avons pas forcément le droit d'être simplement en compagnie des autres. Nous avons nos propres produits et nous devons tout faire pour les défendre.
Si la loi sur la pharmacopée africaine est adoptée, nous travaillerons désormais sans complexe avec la médecine conventionnelle.
Les problèmes de posologie et de toxicité se posent toujours quand on parle de la pharmacopée africaine. Parlez-nous des efforts dans ce domaine.
À mon niveau, les reproches par rapport à la toxicité, la posologie ne se pose pas. J’ai trouvé aux yeux de tous ceux qui sont mes patients de la satisfaction. Tous les remèdes qui sont disponibles dans mon centre passent toujours au laboratoire de l'université de Douala. Ces remèdes passent au contrôle avant d'être acheminés vers les patients pour la consommation. Pourquoi parce que j'ai compris l’intérêt de cette méthode là. Un tradi-praticien qui n'a pas le courage d'affronter le contrôle des laboratoires n’en est pas un. Il faut lutter contre ces tabous, il faut les briser puisque les doses de nos produits nous les connaissons. Nous les précisons toujours à nos patients pendant les prescriptions. Nous connaissons nos produits. Nous n’avons plus de problème dosage aujourd'hui, il n’y a pas de problème de toxicité.
Est-ce qu’on peut parler de la spécialisation dans la pharmacopée africaine de nos jours?
Oui, on peut bien penser à la spécialisation dans la médecine africaine parce qu’elle a tout. Il y a plusieurs branches dans cette médecine. Il y a ceux qui sont des thérapeutes, d’autres qui sont des voyants, et une autre catégorie qui s’occupent des maladies surnaturelles Bref la pharmacopée africaine a beaucoup de branche. Et c'est à ce niveau que pose le problème de spécialisation.
Il existe des sortilèges, des maladies de traversées de poison ou de salutation. Il existe aussi le karma. Ça nous a fait tellement de mal dans la vie. Pour soigner ces types de maladies, il faut être un spécialiste du domaine pour y parvenir. Si non vous allez soigner la maladie en ignorant ces véritables causes et le patient ne sera jamais guéri.
Parlant de l’organisation de la 20ème édition de la journée de la pharmacopée africaine, qu’est ce qui est fait ?
Je pense que beaucoup de choses sont en train d’être faites. C'est encore un plus que vous donnez à tous les efforts que nous avons déjà fourni pour que cette journée internationale, soit vraiment un succès. Cependant beaucoup de choses sont prévues. Il y aura des expositions, on va remettre des médailles aux tradi-praticiens qui se sont distingués dans le milieu par leur abnégation au travail, par leur invention, par le fruit de leur recherche.
Nous avons prévu une marche sportive dans les artères de la ville de Douala. Au milieu de toutes ces cérémonies, il y aura des gens qui vont aider certaines personnes, leur attribuer des soins, il y a les gens qui ont des capacités de soigner des fractures qui feront des massages. Il y aura aussi des séances de voyance qui aideront tous les visiteurs. Certains vont aussi vendre des produits sur place.
Il y aura de l’animation, de la musique traditionnelle, des danses traditionnelles. Il y aura beaucoup à gagner ce jour-là. Les merveilles de la pharmacopée africaine seront visibles à la salle des fêtes d’Akwa ce jour-là. L’évènement commence le 27 et s’achève le 31 août 2022. Le public aura droit à quatre jours d’instances démonstrations des pouvoirs de la médecine de nos aïeux.
Dans le cadre de la professionnalisation de la médecine africaine, il était question de l’enseigner dans les universités. Où en sommes-nous avec ce projet ?
Normalement, cette médecine devait déjà être enseignée dans nos universités. Je pense qu'on avait déjà déposé le dossier au niveau du ministère de l'Enseignement supérieur. Pour que nos enfants soient enseignés, il faut des enseignants. Ces derniers devraient suivre un cursus de formation de sept ans comme dans d’autres filières. C’est quelque chose de très important. Il faut rappeler que Cuba a été isolé pendant beaucoup d'années du reste du monde. Pendant ce temps, ils ont développé leur propre médecine. Et aujourd’hui, des gens quittent de partout dans le monde pour aller là-bas se soigner. Des pays comme l'Italie ont fait appel à Cuba pour renforcer leur médecine. Des produits naturels ont produit des résultats. C'est pour cette raison que vous avez constaté que le covid-19 n’a pas tué trop des Noirs. Pour éviter de nous retrouver dans des situations compliquées demain, il ne faut pas ignorer la science de nos aïeux. Nous ne devons pas ignorer les plantes qui soignent tout le monde. Nous avons pensé qu'il était nécessaire de rencontrer le ministre de l'Enseignement Supérieur pour réveiller ce dossier. Qu’il puisse permettre que cette médecine soit enseignée à nos enfants à partir des universités. Je parle encore aujourd'hui pour qu'on essaye de réveiller ce dossier. Au regard de l’intérêt que l’on accorde désormais à la pharmacopée africaine, au vue des avancées que nous constatons sur le terrain aujourd'hui. Je pense que ça va être possible.
Interview réalisée par Hervé Villard Njiélé
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