« Le chef de l’Etat doit démettre le sous-préfet de Kékem de ses fonctions »
Dans une interview accordé à votre blog , Emmanuel Kunke Ngouaba enseignant analyste éducatif et inspecteur pédagogique régional de mathématique dans la région du littoral condamne l’attitude du sous-préfet de Kekem qui a bastonné il y a quelques semaines un enseignant et dénonce pareillement le flou qui existe au niveau de la gestion des frais d’Apee.
Vous êtes au courant de cet incident survenu au lycée de Bibemi Dans le Nord Cameroun où, des élèves et parents on séquestré le proviseur. Quel commentaire pouvez-vous faire de cette situation ?
Là, il y a un double commentaire. Le premier commentaire c’est qu’il y a une administration qui n’a pas joué selon la presse, son rôle de fournir le service. Car, il est prévu que, lorsque les parents ont payé pour un service, le proviseur doit fournir ce service là. Mais, il faut par ailleurs faire savoir qu’il y a un prestataire de service informatique qui n’est pas le proviseur. Mais, à la fin, c’est le proviseur qui est interpellé parce que, c’est lui qui est responsable de tout ce qui se passe dans son lycée. Il y a donc un service qui n’a pas été rendu, ce qui n’a pas plu les parents et les élèves. Nous constatons également là qu’il y a eu violence. Les parents et les élèves ont choisi la voie de la violence pour résoudre un problème qui est peut être légitime. Alors qu’il aurait du plutôt faire recours à l administration. C'est-à-dire, se plaindre chez l’inspecteur départemental ou le délégué régional ou encore porter plainte pour qu’on puisse mener les enquêtes. Puisque, nul ne doit se rendre justice.
Face à ce fait quel devrait être le comportement des parents selon vous ?
Si c’est vrai que l’administration a perçu de l’argent pour les cours d’informatique, et cela parait vrai puisque, dans la plupart des établissements du Cameroun cela se fait. Il faudrait plutôt chercher à savoir pourquoi le service n’a pas été rendu. Est-ce que c’est la négociation avec le prestataire du service informatique qui n’a pas marché ?
Face à cette situation, les parents ne pouvaient que manifester leur mécontentement. Mais, comme je le disais plus haut, après avoir épuisé toutes les voies de recours. Ils devaient rencontrer le délégué départemental, le délégué régional et même porter plainte. Mais, est ce que ces parents l’on fait ? Ils devaient d’abord épuiser ces voies là, avant de rencontrer le proviseur pour poser leur problème. Cependant, il faut rappeler que ces cas là viennent une fois de plus rappeler qu’il y a un flou qui règne au niveau de la gestion des frais d’informatique dans les établissements de même qu’au niveau de la gestion des Apee (association des parents d’élève et enseignants).
Dans mes dernières parutions dans La Nouvelle Expression, j’ai expliqué que lorsqu’il y a un flou au niveau de la gestion des Apee, ça ouvre les portes à toutes les dérives. Ces cas ci doivent interpeller les responsables des ministères de tutelles pour que l’on mette de l’ordre dans la gestion de ces fonds.
Vous évoquez là les frais d’Apee que l’on dit facultatifs dans nos établissements scolaires pourtant, on constate qu’ils sont obligatoires. Quelle est la véritable nature de ces frais d’Apee ?
Il y a un imbroglio au niveau de ces frais. Certains disent que les frais l’Apee sont facultatifs parce qu’étant une association, l’Apee est libre. L’administration également nous fait comprendre que ces frais sont facultatifs. Mais, malheureusement, il y a un problème. L’Etat qui déclare que les frais d’Apee sont libres n’arrive pas à doter les établissements d’infrastructures adéquates. Or dans nos établissements scolaires, il y a des problèmes fondamentaux. Celui des d’infrastructures, et celui des enseignants.
Puisqu’ils n’ya pas d’infrastructures et d’enseignants suffisants, les chefs d’établissement ont choisi de contourner la loi en «obligeant » le paiement des frais d’Apee. Ils demandent aux parents de payer d’abord les frais d’Apee avant de payer les frais d’inscriptions. C’est une façon maligne de contourner la loi. Par ailleurs dans certains établissements de nos jours, les proviseurs ont réunis les frais d’apee et les frais d’inscriptions en un seul montant. Quand le parent vient inscrire son enfant, on lui donne juste le montant total à payer sans toutefois l’avoir scindé et surtout sans détail. On ne dit pas aux parents à quoi ce montant renvoie.
Moi aussi en tant que parent, j’ai payé ce montant au lycée de Biyem Assi à Yaoundé. Même si les reçus, sont fragmentés, c'est-à-dire que l’on vous remet les reçus comportant celui de l’Apee, du livret scolaire, de l’informatique, de l’inscription et autres, il y a lieu de relever qu’il existe un cafouillage au niveau de la gestion de ces fonds. Si sur le terrain, les parents sont obligés de payer ces frais là, on ne peut donc pas continuer à dire que ces frais ne sont pas obligatoires. Il faut que l’on dise la vérité aux parents. L’Etat n’a pas les moyens de tout faire seul. Ca ne sert à rien de faire la politique de l’autruche.
En tant que enseignant, analyste pédagogique et inspecteur départemental, quelle est la place de l’Apee dans la scolarité de l’enfant ?
Il faut déjà préciser que l’association des parents d’élèves et enseignants n’est pas là seulement pour le problème d’argent. C’est une erreur grossière. L’Apee doit soutenir l’Etat parce qu’il ne peut pas tout faire seul. Surtout sur le plan financier et de manière claire et constante. L’Apee doit intervenir dans les problèmes pédagogiques. Or on a constaté que, lorsque cette association a rassemblé un peu d’argent, leur problème c’est construire les écoles, payer les enseignants vacataires et se mettre un peu l’argent dans les poches. Il n’aide pas le chef d’établissement dans la gestion des problèmes pédagogiques, il n’aide par le chef d’établissement à résoudre les problèmes qui peuvent contribuer à l’atteinte des meilleurs résultats scolaires.
A ce niveau, je pense qu’il faudrait que le ministère des enseignements secondaires et le ministère de l’enseignement de base mènent une réflexion sur les questions d’Apee pour faire savoir d’une manière officielle la liste de ceux qui sont appelés à percevoir les frais d’informatique, de livrets et autres. Il faut qu’il y ait transparence, lisibilité dans la gestion des fonds.
Quelle attitude le parent doit-il adopter face à ces frais d’Apee qui crée de l’imbroglio dans les établissements scolaires du triangle national ?
Il n ya pas que les frais d’Apee. Il y a également les frais d’informatique, les frais du livret médical et autres. Pour tous ces frais là, les parents doivent s’organiser pour faire des propositions à l’Etat. Puisqu’il est difficile de ne pas payer ces frais. Les parents doivent d’abord payer ces frais et par la suite, faire des propositions pour que ces fonds là puissent être gérés de manière transparente. Ce que font généralement les parents c’est que, ils s’en vont quand ils finissent de payer ces fonds qui leurs sont demandés. Et, on met un bureau sur pied qui gère cet argent de manière cavalière comme si c’était leur argent de poche. Ceci avec la complicité du chef d’établissement. Ce que je ne trouve pas normal déjà. Il faut désormais que les parents s’intéressent à l’utilisation de ses fonds, qu’ils s’impliquent dans les problèmes de la pédagogie, et qu’ils ne viennent pas seulement payer l’argent et partir après. Je pense que ce sera bénéfique pour eux de faire un suivie.
Vous êtes certainement au courant de cette rixe qui a opposé un sous-préfet et un enseignant dans la ville de Nkongsamba il y a une semaine. Est-ce que ce comportement ne traduit pas la colère d’un les parents débordé par ce qui se passe dans nos établissements aujourd’hui ?
L’acte du sous préfet de Kékem est un acte regrettable qu’on ne devrait plus avoir en 2012. Puisqu’aucun problème ne se gère par la violence. Je dis et j’assume ce que je dis, le chef de l’Etat doit démettre ce sous-préfet de ces fonctions. Vous savez l’enseignant est à la base de toutes les formations. Le sous-préfet, les journalistes, le président de la république, tous ont été formés par des enseignants. Je pense tout simplement que l’enquête du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (Minadt) a ouverte sera bien menée et que le sous-préfet sera punis. Puisque l’attitude de ce sous préfet va à l’encontre du processus de décentralisation qui est en marche dans notre pays. Aujourd’hui on parle de préfectorale de développement. C’est à l’époque coloniale que l’on parlait de sécurité et de maintient de l’ordre. Là maintenant le monde est moderne et on parle de la préfectorale de développement. Lorsque le parent vient dans un établissement puisque le sous-préfet lui aussi est un parent c’est une bonne chose. Et, c’est normal qu’il se manifeste son mécontentement surtout si ses enfants ont de mauvaises notes.
Maintenant, il faut analyser le système qui est mis sur pied pour une bonne collaboration avec les parents. A ce niveau je trouve que le système éducatif camerounais connait une grosse défaillance. Les gens convoquent les parents d’élèves pour leur parler d’argent mais, ils n’impliquent pas ces derniers dans la gestion de l’établissement. Ce fait vient de plus prouver qu’il y a un déficit de communication entre les parents et les enseignants, entre les parents et les établissements.
Mais, ce déficit de communication ne justifie pas la violence dans un établissement scolaire. Puisque c’est proscrit pas la loi. Il faut que le Minadt tire les conséquences qui s’imposent.
Quelles solutions proposez-vous pour palliez à ce genre d’incident. Comment faire que cela ne se reproduise plus ?
Il faut que les chefs d’établissement, les enseignants puissent mettre sur pied un système de dialogue avec les parents. Parce que, s’il y avait un réel cadre de concertation ente administration enseignants et parents d’élèves, ce genre de situation ne se serait jamais produit. Je prends à titre d’exemple les établissements missionnaires. J’ai beaucoup côtoyé ces établissements et je pense que ce sont des exemples à suivre.
Dans les établissements tels que Vogt, Libermann pour ne citer que ceux-ci, on met un accent sur le dialogue et sur ce qu’il appelle là-bas l’école des parents. Les parents ont aussi besoin d’être formés. Ce n’est pas parce qu’on est commissaire, ou sous-préfet, tous les parents ont besoin d’être formés. Il faudrait que chaque établissement puisse mettre sur pied une école des parents, pour informer les parents, pour sensibiliser les parents et pour former les parents en vue d’un bon dialogue. En dehors des établissements missionnaires qui le font déjà, les écoles publiques ne le font pas encore pourtant c’est important.
Réalisée par Hervé Villard Njiéle