Environnementaliste et membre de la société civile camerounaise, Didier Yimkoua, s’intéresse aux questions environnementales. Interrogé au sujet de cette décision ministérielle qui vise à interdire la circulation au Cameroun des emballages plastiques non biodégradables, il livre ici ses impressions et l’importance biologique d’une telle mesure. Lisez-plutôt !
Les emballages plastiques non biodégradables sont interdits de circulation au Cameroun à partir du 1er avril 2014. Quel commentaire vous inspire cette décision ministérielle ?
C’est une décision ministérielle à apprécier puisque, dans les pays qui nous entourent, cette mesure est en application depuis plusieurs années. Je crois qu’au Gabon c’est en application depuis deux ans, au Tchad c’est interdit de même qu’au Rwanda depuis plus de cinq ans. C’est vrai que nous sommes en retard par rapport à l’application de cette mesure. Mais, vaut mieux tard que jamais.
Il faut déjà rappeler que ce n’est pas tous les emballages plastiques qui seront retirés de la circulation. Ce sont des plastiques à basse densité donc le diamètre est à soixante microns. De façon prosaïque, ce sont des plastiques froissables, pouvant être percé au doigt que l’on trouve partout dans les marchés. Ce sont des plastiques utilisés dans l’emballage de l’eau et des jus. C’est ce type d’emballage plastique là qui est interdit.
D’après les statistiques du ministère de l’Environnement, on évalue à plus de 6 millions le nombre de tonne de déchets plastiques produit par an au Cameroun. Dans ces six millions de tonnes de déchets plastiques, on compte 10% de déchets de ce type là. Vous imaginez que ça fait en moyenne 600.000 tonnes de déchets plastiques non biodégradables que l’on déverse dans la nature au Cameroun par an. Et avec ce taux important de déchets, on peut bien comprendre que cela ait des impacts sur la santé, sur la biodiversité, sur l’agriculture, sur les animaux , sur le sol, sur l’eau et même sur l’embellissement de notre milieu de vie.
Pour suspendre la circulation de ces emballages plastiques, le ministre évoque comme raison qu’ils sont non biodégradables. Qu’est ce que cela signifie exactement ?
Les emballages plastiques non biodégradables sont tout simplement des emballages qui ne se dégradent pas, qui ne pourrissent pas. Ce sont des matières qui ne peuvent pas se dégrader dans la nature sans apport chimique. Ces emballages ne peuvent pas être détruits par l’action microbienne comme c’est le cas pour une peau de banane que l’on jette dans la nature.
Quels sont de manière directe, l’impact que ces emballages non biodégradables ont sur l’environnement et la vie des Camerounais ?
De manière générale, il faut dire que les emballages plastiques sont très utilisés parce qu'ils font partie de ce que l’on appelle les innovations du siècle. De manière directe, jusqu’à présent, on n’a pas encore découvert de maladie qui soit causée par ces emballages plastiques. Puisque ces emballages sont utilisés pour emballer les aliments. Les chercheurs n’ont pas encore découvert de maladie qui soit directement transmis par le fait d’emballer les repas avec ces types d’emballages là.
Sur le plan de l’environnement, on peut noter comme impact, la pollution esthétique. Les emballages plastiques salissent la ville et la nature. Ils s’envolent partout. Regardez la cité chinoise dans la ville de Douala par exemple, les emballages trainent partout et salissent la ville. Ce n’est pas beau à voir. Sur le plan de l’environnement physique, lorsqu’ils sont stockés, lorsqu’on les déverse en quantité dans les caniveaux, cela empêche aux eaux de ruissellement de circuler. Ce qui est à l’origine des inondations que nous vivons dans nos villes. Ils bouchent les infrastructures d’assainissement des eaux. Voilà entre autres ce qu’on peut relever ici. Dans les milieux pastorales, il faut dire que ces plastiques lorsqu’ils sont consommés par des vaches, ils ne sont pas digérés facilement par ces derniers. Même dans les milieux aquatiques où il y a des grands mammifères comme le requin et la baleine, ils digèrent ça difficilement. Ce qui limite leur reproduction. On s’est rendu compte que tous les espèces halieutiques qui consomment ces emballages là décèdent et disparaissent pour la plupart.
Fabriquer des nouveaux emballages biodégradables ne nécessite-t-il pas d’énormes moyens financiers ?
-non je ne pense pas. C’est vrai que les gens sont réfractaires au changement. Mais dans l’ensemble, le processus n’est pas compliqué. Puisque, pour passer au type de plastiques biodégradables, il faut tout simplement augmenter un additif chimique et le tour est joué. C’est un processus chimique que l’on connait très bien. Les plastiques biodégradables utilisés au Gabon sont actuellement fabriqués au Cameroun. Ça veut tout simplement dire que les équipements techniques pour fabriquer les plastiques biodégradables ne seront pas changés. Ils vont tout simplement ajouter un additif qui va rendre le plastique biodégradable. Plusieurs ateliers de sensibilisation par rapport à cette mesure ont eu lieu, on espère tout simplement que d’ici mars, tout sera mis sur pied pour que cette mesure soit effective. Car dans les marchés il existe déjà des emballages plastiques biodégradables.
Réalisée par Hervé Villard Njiélé