Pratique du journalisme :L’avenir de la profession menacée en Afrique Centrale
La migration de l’analogique au numérique telle que recommandée par l’Union international de télécommunications, les violations fragrantes de la liberté de la presse parmi les multiples menaces qui freinent l’épanouissement des médias et des journalistes dans la sous région.
C’est avec beaucoup de retenues que les journalistes membres de l’Union des professionnels de la presse et communication d’Afrique Centrale (Usypac), réunis à Douala ce mercredi 6 aout 2014, n’ont pas coulé de larmes. Après le bilan de la pratique de cette profession dans les différents pays de la sous région Afrique Centrale, tous les participants ont souri. Ce sourire malheureusement ne traduisait pas la joie comme l’on pouvait s’y attendre. Mais plutôt la déception. Et plus encore, la prise de conscience collective de ce que l’avenir des médias et celui du métier de journaliste sont sérieusement menacés.
Parmi les différents facteurs qui menacent l’avenir de la profession de journaliste en Afrique centrale, les différents participants venus des pays de la sous région tels que le Gabon, le Tchad, la République centrafricaine (Rca), le Congo Brazzaville, la République Démocratique du Congo (Rdc) et Cameroun ont dénoncé de manière unanime le non respect et les nombreuses violations de la liberté de la presse.
Si au Cameroun d’après le Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), cela se traduit par le non respect des lois qui encadrent la profession, l’incarcération, la suspension des journalistes et des medias par des instances n’ayant pas qualité (le Conseil National de la communication), il faut dire qu’au Tchad, le pouvoir en place est plus rude à l’égard de ces derniers.
En plus des brimades récurrentes, des intimidations et même des persécutions, le journaliste tchadien vit pratiquement dans la crainte. Il est inquiété tous les jours et ne peut pas exercer librement son métier. Beaucoup d’entre eux selon les confrères en provenance du pays d’Idris Deby, sont handicapés à cause des ses pratiques là. «Parfois, quand tu es en train de mener une enquête, tu es menacé par les agents des renseignements généraux. C’est tout ça qui fait que le journaliste tchadien ne peut pas exercer librement. Ils vivent dans la peur », déclarent-ils.
En République Centrafricaine (Rca) et en République Démocratique du Congo (Rdc), le chapitre de violation de la liberté de la presse est noirci par les exécutions sommaires et l’assassinat des journalistes pendant l’exercice de leur fonction. «Trois journalistes ont perdu la vie pendant la période de transition en Rca donc deux tués pendant l’exercice de leur fonction », souligne amèrement Jules Gautier Ngbapo, journaliste centrafricain, correspondant local de l’agence de presse internationale Apa.
D’après Stanis Nkundiye, président de l’Usypac journaliste en exercice au Congo, un journaliste au moins est assassiné au Congo chaque année depuis 2005 et les auteurs ne sont pas inquiétés. Pour celui qui fait savoir que la situation de conflit dans son pays est l’une des causes de cet acte ignoble, 116 situations de violations de la liberté de la presse ont été enregistré en 2013 au Congo. «Il est toujours difficile d’exercer le métier de journaliste au Congo. En 2013, nous avons enregistré 16 journalistes incarcérés, 21 interpellés, 18 torturés agressés et maltraités, 21 menacés, 20 pressions administratives, économiques ou judiciaires recensées (…) », déclare-t-il courroucé.
Précarité
A coté du non respect de la liberté de la presse essentielle à la pratique du journalisme, la situation de précarité dans laquelle se trouvent les journalistes de la sous région est un autre facteur non négligeable. Les journalistes et davantage ceux exerçant dans la presse privée sont clochardisés. «Ils ne sont pas affiliés à la Cnps, ne bénéficient d’aucune indemnisation. Ils sont obligés d’avoir un métier connexe pour joindre les deux bouts. Nombreux d’entre eux menacent d’ailleurs de quitter la profession », déclare Noé Ndjebet Massoussi, membre du Snjc.
Cette situation qui profite aux patrons de presse, est encouragée par l’Etat qui ne joue pas son rôle de régulateur. Pis encore celui-ci enfonce d’avantage le clou en réduisant l’aide public à la presse apprend-on. (100 millions au Tchad, 275 millions au Cameroun, 500 millions au Gabon). Cette situation de précarité, encourage la corruption dans la profession et amène les journalistes à ne plus être objectif.
Elle est à l’origine d’autres dérives telles la manipulation, le journalisme à gage et plein d’autres encore. Avec cette situation, conclu les membres de l’Usypac, le journaliste ne peut pas bien informer et ne peut être un acteur de développement de sa société.
Migration vers le numérique
Cette précarité ambiante dans la presse dans la sous région, va pareillement faciliter sa disparition. Car, pour passer de l’analogie au numérique comme le recommande l’Union internationale des télécommunications en juin 2015 prochain, il faut beaucoup de moyens aux médias et aux patrons de presse. Moyens que ces derniers n’ont pas. D’après les membres de cette association, les chaines de radio et de télévision de la sous région Afrique Centrale ne sont pas à même de réunir les moyens qu’il faut pour importer les matériels adéquats. Ils sont aussi incapables de payer la formation de leur personnel. C’est pourquoi, ils sont appelés à disparaitre si rien n’est fait. Et, cela aura comme conséquence la disparition la mise en chômage des journalistes une chose que l’on cherche ç éviter. «La migration de l’analogique au numérique est fixé en juin 2015. Jusqu’à présent les médias de la sous région n’ont pas des moyens pour le faire. Nous sommes fatigués d’attirer l’attention du gouvernement sur ce sujet. Si cela n’est pas fait ces médias disparaitront. Et les journalistes avec. Ne pourrons exister que ceux qui sont sur les satellites et Dieu seul sait combien de télé ou de radio sont à même de payer ces frais là. Nous exhortons encore nos gouvernement à réagir », déclare Stanis Nkundiye, le président de l’Union des professionnels de la presse et communication d’Afrique Centrale(Usypac). Ce séminaire qui entend produire des ébauches de solutions pour d’autres problèmes qui minent le milieu de la presse se poursuit ce jour.
Hervé Villard Njiélé