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Sa Majesté Aurelien Sosso
« Il se pose un problème de développement global dans notre canton »
Professeur agrégé de chirurgie et ancien recteur de l’université de Yaoundé, le Pr Maurice Aurélien Sosso vient d’être porté à la tête du canton Wouri Sandje. Celui qui est d’abord chef supérieur de second degré du village Tondé a parlé de sa nouvelle vision à la Nouvelle Expression. Dans une interview à bâton rompu, l’autorité traditionnelle compte s’investir pour le développement de ce canton et assurer le bien-être de ses populations.
Une rencontre des chefs et notables du canton Bwele s’est tenue à la chefferie de 3ème degré du village Nkolbong, arrondissement de Yabassi, département du Nkam. Au cours de ces assises, vous avez été choisi, à l’unanimité de 6 des 9 chefs de villages qui composent le canton Bwele, désigné chef de 2ème degré de Wouri Sandje. Quelle est votre réaction ?
Il s’agit pour le moment d’un reclassement de la chefferie Ntondè, de 3ème degré en chefferie de 2ème degré. Ma réaction est une réaction de satisfaction, parce que dans notre zone, dans l’ancien canton, Wouri Bwele, Ntondè est le village le plus peuplé de la zone et est cosmopolite. Evidemment, se posent déjà à Ntondè, les problèmes de gestion des grandes villes, notamment, la petite insécurité, consommation de drogue, violence… c’est donc avec satisfaction que j’ai accepté, sur proposition des chefs ici présents, de diriger cette nouvelle unité territoriale.
On est dans la République et elle a des règles et lois qu’il faut suivre. Personne ne doit y échapper. L’organisation du territoire relève de la compétence exclusive du gouvernement camerounais, et non de la compétence des chefs traditionnels, quelques soient leur degré, même si à un moment donné de l’évolution du dossier, ils sont consultés
Sur les réseaux sociaux, le débat sur l’opportunité de la division du canton pour avoir deux cantons, le canton Wouri Bwele et Wouri Sandje enflamme la toile. Revendications portées par un chef traditionnel et certaines élites. Parmi les causes de ces contestations, figurent en premiers les problèmes fonciers qui vous donneraient la part du lion. Qu’en est-il exactement ?
Je pense sincèrement que Sa Majesté Edimo réagit comme tout homme devant une situation nouvelle. La psychologie de l’homme se forge des schémas. Son schéma social et de chef de canton était que, je pense, le chef de canton est le chef, qu’il peut se croiser les pieds et tout viendra tout seul. La preuve, lorsqu’on l’interroge en termes de développement, il a du mal à répondre. Ce canton était vaste, très vaste, difficile à couvrir, techniquement, politiquement, sécuritairement, économiquement et autres. Je crois que l’État, après avoir constaté que le département du Nkam était le seul département où il n’y avait pas de chefferie de 1er degré au Cameroun, a sollicité à faire la promotion, des chefs de 2ème degré et assez prochainement, d’un chef de 1er degré. Donc, on ne peut pas être mécontent d’une évolution globale du département qui se sentait lésé. S’il est mécontent en utilisant des pronoms possessifs, en disant qu’on est en train de lui arracher sa chefferie, c’est excessif. Ce n’est pas parce qu’on a désigné un autre chef de canton que non seulement vous n’êtes plus chef, et que vous n’êtes plus des frères. Ceux du canton Wouri Bossua plus loin sont mes frères aussi. Je ne vois pas pourquoi la division en deux cantons fasse qu’on perde le sens de l’amour, de la fraternité qui nous lie. On ne devrait pas perdre ce sens-là et devenir excessif, appeler la mort. Je crois que c’est sous le coup de l’émotion et de la passion qu’il dit ces choses, et que véritablement, il n’y pense pas.
Certains ne vous estiment pas légitimes sur le territoire de Tondè, et même au-delàs, sur l’ensemble du canton Wouri Bwele. Qu’en dites-vous ?
Pour justifier ma candidature pour être chef de ce nouveau canton, j’ai donné mon arbre généalogique. Je dis et je répète. Je suis le descendant directe de la, lignée du Roi de la Vallée. Et je vous ai envoyé dans les archives conservés qui se trouvent à Berlin, 1885. Il ne peut pas dire que sa lignée est aussi propre que ce que je dis. Il n’a jamais été de cette lignée-là. Il y a eu une mort dont je ne vais exposer ni les causes, ni les motifs. Je ne peux ni expliquer comment est mort mon arrière-grand-père. Mais c’est après cette mort que survient sa lignée. Il ne peut donc pas être plus légitime que moi. Le dire c’est de la diversion. Lorsque le vrai propriétaire revient à la maison, celui qui y habitait en disant que c’était sa maison est très embêté et peut dire quelques fois que c’est sa maison.
Donc, la simple idée que je sois là, le frustre. Or, pour moi, c’est un frère. Et ceci ne change en rien l’amour que nous avons toujours eu entre nous. Ce n’est pas le fait d’une division territoriale qui empêche à quelqu’un d’aimer son frère. Ailleurs, il y a eu des divisions des pays. Au Nord Cameroun, lorsque vous allez à Kousseri, les mêmes familles se retrouvent à Kousseri et à Ndjamena ; pareil à Kolofata où les mêmes familles se retrouvent au Cameroun et au Nigéria. Il n’y a pas de débat sur l’organisation territoriale. Elle dépend du gouvernement et de ses objectifs.
Il est évident qu’à l’observation, cette partie du Nkam n’a jamais connu le développement. Si cette partie était développée, il n’habiterait pas à Deido. Donc, le gouvernement fait un effort pour nous aider à mieux structurer nos communautés villageoises, décentralisées ou déconcentrées, pour que tout le monde ait droit au bien-être global.
Quelle est votre vision pour le nouveau canton dont vous avez désormais la responsabilité et la charge ?
La vision essentielle, c’est le développement. Le développement global. C’est la notion dans laquelle vit le monde aujourd’hui. En arrivant ici, vous avez vu une école bilingue, mais, à coté de cette école bilingue, il y aurait dû avoir des routes, qui vont d’ailleurs venir. Et lorsqu’il y a des routes, on peut y mettre un marché, un hôpital, un réseau électrique. C’est la notion de développement global, ou des pools de développement. Tout le monde a besoin d’un bien-être. S’il n’y a pas de bien-être, il va sentir frustré et évoluer vers une espèce de rébellion sans pareil. C’est le développement entretenu par la paix, la concertation, le dialogue des cultures. C’est ça ma vision. Celle du développement encadré par la recherche permanente de la paix, du dialogue intercommunautaire.
Quel message pouvez-vous adresser à vos administrés ?
Les terrains appartiennent à des communautés villageoises, ou alors c’est le domaine privé ou public de l’Etat. Aucun chef de canton ne devrait vendre les terrains. Sur une réserve foncière estimée dans une localité qu’il convoite à 600 hectares, on m’informe qu’il y a des promesses de vente de 300 hectares. Depuis que je suis chef, je n’ai vendu le moindre m2 de terrain. A Ntonde, personne ne peut acheter des terrains. Si j’ai des terrains, ils vont être redistribués au prorata des fils et des filles demandeuses. Ce ne sont pas mes terrains.
Maintenant que les vrais propriétaires de la chose coutumière sont là, que ceux-là s’effacent. L’Etat a consenti de le porter à la tête du canton Wouri Bwele. Donc, le message est celui d’une administration concertée avec les messages qui composent le canton. Il n’y a point de dictature. Tout est dans le dialogue, dans les échanges intercommunautaires ; que leurs problèmes soient les miens et qu’ils sentent que les miens également seront les leurs.
Entretien mené par Hervé Villard NJiélé