Invité sur la chaîne de télévision Canal 2, le capitaine des Lions indomptables est revenu sur la crise, qui a entraîné le boycott du match amical contre l’Algérie. Il soutient qu’il jouera toujours en sélection nationale, même après avoir purgé sa sanction. Tout en espérant que ce geste ne sera pas négligé.
Marrakech, dimanche 13 novembre 2011. Les Lions Indomptables viennent de gagner la Lg Cup face à l’équipe marocaine aux tirs aux buts. Dans l’euphorie de cette victoire qui signe le retour du triomphe dans l’équipe nationale après l’élimination à la coupe d’Afrique des nations Gabon-Guinée Equatoriale 2012, une surprise attend les responsables de la Fécafoot. De retour à l’hôtel, les joueurs refusent de prendre le dîner du sacre avec les dirigeants. Après cet acte qu’ils justifient par le non paiement de la prime de présence qui s’élève à 22 millions de Fcfa pour l’ensemble de l’équipe, ils refusent également de libérer leurs chambres. C’est ainsi qu’un round de négociations va s’engager entre les joueurs et les dirigeants de la Fecafoot présents à Marrakech de cet instant-là jusque très tard dans la nuit. Ces négociations sont en fait le prolongement d’une série de pourparlers entre joueurs et dirigeants au sujet du paiement de cette prime de présence dont le principe a été acquis à Bilbao en 2005 sous le magistère de Philippe Mbarga Mboa, alors ministre des Sports et de l’éducation physique.
Selon la Fecafoot, des éclairages ont été apportées à Samuel Eto’o Fils, capitaine des Lions Indomptables le 8 novembre au sujet de ladite prime et des comptes financiers de la Lg Cup par l’entremise de Francis Mveng, vice-président de la Fecafoot et représentant de cette association au tournoi de la Lg Cup. «Déjà, au début du tournoi de la Lg Cup, j’ai demandé au vice-président Mveng de me montrer le contrat, il m’a dit qu’il n’y en avait pas. Je lui ai dit que ce n’était pas sérieux. Or, avant moi, Alexandre Song lui avait posé la même préoccupation. Imaginez que je me blesse en allant prendre part à ce tournoi, sans aucune garantie. C’est un manque de sérieux. A partir de ce moment là, nous avons décidé de ne plus nous laisser abuser», explique Samuel Eto’o Fils. Puis, tout se gâte quand il faut payer les primes. «C’était une situation curieuse. Il fallait voir comment les responsables de la fédération et ceux du ministère des Sports et de l’Education physique se rejetaient la responsabilité sur qui doit ou non nous payer les primes», poursuit-il.
Abcès
En réalité, tout cela a commencé à sentir le roussi pour les joueurs, surtout qu’il devenait clair qu’ils ne pourraient entrer en possession de leur prime qu’au terme de nombreuses transactions. Ce qui n’était pas pour leur plaire, ni pour les rassurer. «Si on nous avait donné les primes, on aurait continué et l’abcès ne se serait jamais percé. Nous avons donc saisi cette occasion pour mettre de l’ordre et trouver des solutions au problème du football camerounais en général et des Lions indomptables en particulier. Si notre geste n’est pas pris en compte, ce serait regrettable», admet-il.
Par ailleurs, «à aucun moment, on voulait créer un problème avec nos frères algériens. Nous voulions défendre notre cause, en présentant le décalage qui existe entre les dirigeants et les joueurs», confesse-t-il. Or, à cause du match amical avorté du 15 novembre dernier, la fédération algérienne de football demande un dédommagement d’1 million de dollar.
Le capitaine des Lions indomptables et son vice seront convoqués devant la commission d’homologation et de discipline et les sanctions suivront. «Depuis le début, personne ne parle de la gravité de la situation en amont. Il y a une implication financière que le Cameroun doit assumer. Sans oublier l’implication en terme d’images», a soutenu Junior Binyam sur les ondes de la Crtv radio. «Cette crise pose le problème de la double tutelle de la sélection nationale, qui n’est pas assez scindée. D’où la dissolution de la responsabilité. Il y a une urgence à donner des pré-requis», a-t-il conclut. C’était la première fois que la Fécafoot s’exprime sur la question depuis la sanction infligée le vendredi 16 décembre dernier.
Au reagrd de toutes les passions soulevées par cette décision, le Minsep Adoum Garoua a recommandé aux uns et autres l’apaisement. Surtout qu’après la finale de la coupe du Cameroun, le chef de l’Etat Paul Biya lui avait dit qu’il le verrait spécialement pour parler du sport en général et du football en particulier.
Samuel Eto’o Fils: Après ma sanction, je reviens en sélection nationale
Il demande à tous de rester calme en cette période de fête tout en reconnaissant avoir été sali mondialement par cette sanction.
Visiblement serein devant les caméras de Canal 2 international, un sourire en coin ne quitte pas le visage de Samuel Eto’o Fils. Ce qui pourrait faire croire qu’il n’est pas affecté par cette décision. Oh que non ! «J’ai été mondialement sali. Je l’accepte parce que je n’ai pas choisi d’être Camerounais», lâche-t-il.
En réalité, avec 15 matches de suspension, le joueur d’Anzhi Makhachkala n’avait pas de chance d’être désigné meilleur joueur africain de l’année pour la cinquième fois (2003, 2004, 2005 et 2010). Pourtant, il faisait partie des cinq nominés au départ. Et depuis hier, son nom ne figure plus sur la liste des trois définitivement retenus que sont : le Ghanéen André Ayew de l’Olympique de Marseille ; le Malien Seydou Keita du Fc Barcelone et l’Ivoirien Yaya Toure de Manchester City. Le successeur de Samuel Eto’o Fils sera donc connu aujourd’hui, jeudi, 22 décembre 2011, du côté d’Accra au Ghana.
Néanmoins, «j’ai pris acte de leur décision. Toutefois, jusqu’à preuve du contraire, je reste le capitaine des Lions indomptables. Quand vous défendez une cause juste, vous vous attendez à ce que ces sanctions soient prises», poursuit-il. Puis, «15 matches ou plus de suspension, je continuerai encore à jouer au sein de l’équipe nationale. J’attendrai que cette sanction passe. Je n’ai pas encore arrêté ma carrière de footballeur», indique-t-il. A la question de savoir pour quelles raisons, il refuse de faire appel, Samuel Eto’o Fils déclare : «Pourquoi dois-je faire appel ? Pourquoi ? J’ai eu le même chef d’accusation qu’Enoh Eyong et en plus, il avait une autre accusation, on lui a donné deux matches de suspension et moi, j’en ai eu 15. C’est compliqué! Quand j’aurai purgé mes 15 matches, je reviens en sélection nationale».
Mais, ce qu’il souhaite retenir de cette sanction, c’est le fait qu’«ils ont compris qu’on ne nous manipulera plus. Je tiens à saluer mes frères pour le courage qu’ils ont eu. Je sais désormais que, que je sois là ou pas, mes coéquipiers ne se laisseront plus abattre». Et surtout : «A un moment, l’équipe était divisée, la faute revenait à Samuel Eto’o. Maintenant que le groupe est soudé, c’est encore à cause de moi. Qu’est-ce qu’on veut finalement ?»
Au courant des nombreuses marches pacifiques que prévoient d’organiser certaines associations à Yaoundé et à Edéa pour dénoncer la décision de la commission d’homologation et de discipline, sans oublier les nombreux coups de fils reçus et autres messages envoyés sur son compte Facebook, le capitaine des Lions indomptables exhorte : «Restez calmes et ayez la tête froide. C’est la période des fêtes. Restez sages. J’ai appris que vous voulez marcher. Il n’y a que le temps, qui résout les problèmes. Nous allons être calmes et réfléchis.»
P. G. M.
Les plaies de la Fécafoot: L’argent du football et la mauvaise organisation dans la tanière
Ces deux volets sont en réalité les griefs latents, qu’ils ont dénoncés en boycottant le match du 15 novembre dernier contre l’Algérie.
Jusqu’ici, les responsables de l’équipe nationale de football expliquait qu’il était plus facile et plus pratique d’organiser des regroupements de la sélection nationale en Europe, puisque les joueurs y vivent.
Des dispositions qui gênent d’ailleurs les joueurs. «Notre dernier match des éliminatoires contre la République démocratique du Congo (Rdc) devait se jouer à Kinshasa. Quelle idée de nous amener à Bruxelles pour le regroupement ? Avoir 8h de vol pour rallier Douala. Et au départ de la capitale économique, nous avons passé 45 minutes pour arriver en Rdc. Et là, la température est de 40°c alors que nous nous sommes entraînés à Bruxelles sous -2ºc», a dénoncé Samuel Eto’o Fils.
Cet exemple était pris pour présenter l’amateurisme qui règne dans la gestion des Lions indomptables.
C’est d’ailleurs pour dénoncer cette mauvaise organisation que Benoît Assou Ekotto a décidé de ne plus répondre aux convocations en sélection nationale. «Mettez-nous dans les meilleures conditions. Ce qui signifie mettre l’accent sur notre confort en terme de transport aérien et terrestre, en terme d’hébergement, en terme de restauration. Bref, nous devons être au petit soin. Quand on est responsable, on anticipe, on prévoit», souhaite-t-il. Sur quoi comptent les Lions indomptables pour exiger un traitement princier ? «Sur l’argent que nous générons et dont on ne connaît pas la destination», révèle Samuel Eto’o Fils. En outre, la question centrale reste : «Qui gère l’argent?»
Divisions
En ce qui concerne le nerf de la guerre, le capitaine des Lions indomptables s’interroge notamment sur le sort réservé à l’argent des transferts de tous les joueurs camerounais, reversé à la Fécafoot. Idem en ce qui concerne les sponsors. «Vous nous vendez, vous prenez l’argent et nous ne savons pas à combien. A certains moments, on nous donne 35.000 Fcfa pour les primes de sponsors. Parfois, c’est 500.000 Fcfa. Et même 2 millions. On veut être fixé une fois pour toute sur cette question, pour ne plus être confrontés aux montants aussi variés», affirme-t-il. «On ne sait toujours pas ce qu’on a fait des 8 millions de dollars générés par notre participation à la coupe du monde 2010. Déjà, avant la coupe du monde, 1 million de dollar ont été donnés par la Fifa pour préparer notre participation. Où est passé tout cet argent ? Et toutes les retombées de nos participations aux précédentes coupes du monde ?», s’est-il interrogé.
Et le plus curieux pour lui, «c’est que les primes sont payés par le gouvernement. Alors que nous générons beaucoup d’argent. L’Etat n’a plus à sortir son argent.» Pour marquer son désaccord par rapport à la mauvaise gestion du football, il adoptera une attitude. «Pendant 5 ans, et même plus, je n’ai pas parlé au président Iya Mohammed, parce que je n’étais pas d’accord avec sa politique. Puis, pour détendre l’atmosphère, il nous a invités, Rigobert Song et moi, au Mont Fébé. Il nous a parlé des difficultés qu’il avait. Nous avons pensé l’aider, mais, je ne pouvais pas donner une certaine impulsion, puisque Rigobert Song était encore capitaine à cette époque», raconte-t-il.
Par ailleurs, selon Samuel Eto’o Fils : «à partir du moment où il était question de gérer l’argent en sélection, ils ont préféré créer des divisions dans le groupe.»
Réactions
Vahid Halilhodzic, coach algérien
Je suis satisfait par la décision de la Fédération du Cameroun. Ce qui s'était passé est vraiment scandaleux de la part d'une grande nation de football en Afrique. Je regrette toujours l'annulation de cette rencontre qui aurait pu nous servir.
Adoum Garoua, Ministre des Sports
Je n’ai pas encore été notifié de cette décision de la Fecafoot ; je ne peux encore rien dire pour le moment.
Kalkaba Malboum, Président du Comité national olympique
Nos tribunaux ne devraient pas être comme les tribunaux civils. L’exigence c’est de faire respecter la discipline il faut également protéger le sportif parce que même sur un stade les vedettes sont protégées par les arbitres. Et La Fecafot ne doit pas sacrifier sa star parce que sans athlète il n’y a pas de fédération. J’espère que la raison va l’emporter sur la passion et l’émotion.
David Mayebi, président du Synafop
Le Synafop prend acte de la décision de la Fecafoot qui a été prise afin de se faire disculper dans cette affaire qui a jeté la honte sur le football camerounais. En attendant de se réunir extraordinairement dans les tout prochains jours afin de discuter des actions à mener, le Synafop exprime son indignation par rapport à cette décision qui est loin d’apaiser la tension en vue de la relance de notre football mais exprime le détonateur pour que tout explose.