J’étais à Makepe samedi dernier comme reporter. Une fois le gaz propagé dans l'air devant l'hôpital générale de Douala, j’ai foncé dans le quartier avec mon sac à dos. Tout le monde fuyait. Les policiers en furie, voulaient arrêter tous ceux qui filmaient. Malgré le danger, j'ai voulu prendre quelques interviews des populations. La première personne approchée était réceptive. Au bout de quelques minutes, un autre témoin en blanc approche et veut absolument parler à mon micro. Je me retourne vers lui et directement, sans que je ne lui pose même la question, il se lance: «Ils ont tiré sur Célestin Djamen à balle réelle...»
Le temps de finir mon interview, les habitants du quartier nous ont encerclés. «Tapons les, c'est eux l'union Européenne". Je stoppe ma camera en rétorquant à celui placé juste dans mon "Tapez qui, vous êtes malades?, Je fais juste mon travail et je ne vois pas en quoi je suis fautif." Ma riposte musclée a un peu refroidi le monsieur qui directement s'est mis à s'exprimer en langue Bassa'a...
Deux autres messieurs le retrouvent ainsi que deux mamans. Je suis perdu dans leur dialogue qui se fait de plus en plus à haute voix. Pendant ce temps je range ma camera et le micro dans mon sac que je remets au dos. L'une des mamans lance alors en français "Mon fils, il faut courir"
Sans réfléchir j'engage un sprint et en moins de 10 secondes je devance mes agresseurs qui alertent le quartier de m'arrêter après un virage je les sème et me cache derrière une maison. Je me sens alors traqué, pris au piège car plus de route devant moi. Je sens le danger, et commence à réfléchir. La première idée faire une vidéo via whatsapp à mon Rédacteur en chef, qui me donne aussitôt quelques cosignes, avant d'alerté quelques autorités du danger qui planait sur son élément sur le terrain.
Je patiente 20 minutes derrière cette baraque. Le propriétaire est absent .j'enlève mon tee-shirt et reste en démembré. Je suis en même temps recherché par la police qui veut mon matériel, car aucune image ne doit être diffusée
Après les voix se font de moins en moins entendre dans la rue principale. Je prends mon courage à deux mains et sort de ma cachette. Une voix derrière moi crie «voilà le journaliste là"
Je continue de marcher le pas accéléré sans me retourner. À l'autre bout de la rue, juste à 300 m de moi, les flics sont postés. Ils me repèrent aussi. Directement quatre se détachent du groupe et foncent vers moi. Je suis pris au piège. Car les quelques habitants du quartier me suivent à grands pas. À ma gauche je repère une petite piste donnant sur la première rue où mon calvaire a commencé .Je l'emprunte sans hésiter à une vitesse grand V. Avant d'arriver au sommet, je tombe nez à nez sur trois jeunes, la vingtaine. Je ralentis, dégoulinant de sueur. Le plus jeune est impressionné par les cicatrices sur mon torse. Et droit dans les yeux il me demande."C’est le feu grand frère ?», je réponds "oui" .Pris de compassion il rétorque" «Assia hein! Je t'ai sauvé la vie. C'est toi le journaliste que tout le monde est en train de chercher comme ça .Descends tout droit et remonte jusqu'à Bedi".
C'est ainsi que j'ai pris la poudre d'escampette jusqu'à rejoindre l'axe principale au niveau de la boulangerie Saker. Et retrouver mon collègue Robert Itock envoyé par la hiérarchie me chercher.
J'ai pu ouvrir le journal de 20h de canal2 avec cet élément. Sentiment de satisfaction. Mais, Je suis encore sous le choc. Je réfléchis encore. Trop d'interrogations dans mon pauvre cerveau. Je sais juste que j'ai risqué. J’ai vraiment risqué.
Collectée et traité par Hervé Villard Njiélé