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Le blog de Hervé Villard Njiélé

Me René Manfo: « La sanction de Iya Mohamed ne peut pas s’étendre à la Fécafoot »

5 Avril 2013, 14:04pm

Publié par Hervé Villard

 

  

 

Le communiqué de la commission discipline et financière (Cdbf) rendu public  par  le conseil supérieur de l’Etat accablant Iya Mohamed directeur général de la Sodecoton de 20 fautes de gestion et de détournement de plus de 9 milliards de franc cfa fait couler beaucoup d’encre et de salive.

Me Manfo Avocat au barreau du Cameroun, formateur défenseur des droits de l’homme, fait une analyse juridique de cette situation. Il revient sur  les  différentes pistes de solutions qui s’offrent au Dg de la Sodecoton déchu et commente pareillement  en passant les  actions de l’opération épervier en cours dans notre pays depuis plus de dix ans déjà. Il a accepté de répondre aux questions de votre reporter.

 

 Lire cet entretien mené par Hervé Villard Njiélé.

 

 

 

  

Vous êtes au courant de cette décision du conseil supérieur de l’Etat qui inculpe Iya Mohamed  directeur général de la Sodecoton de 20 fautes de gestion. Quels commentaires faits- vous à ce sujet en tant que avocat ?

 

J’estime pour ma part  qu’il s’agit bien d’une l’opération  qui s’inscrit dans le cadre de d’épuration des mœurs et de la sécurisation de la finance publique recommandée par l’Etat camerounais et son chef de l’Etat. Je dois pour ma part relevé pour le déplorer  que ce n’est  pas très tôt. On  ne peut comprendre qu’on nomme un individu comme celui là  à un poste stratégique d’une entreprise comme celle là pour de vingt neuf ans. Et qu’après les 29 ans on s’en tient uniquement aux détournements réalisés pendant une période de cinq ans. Qu’est ce qu’on fait des 24 années de gestion postérieures à cette période de contrôle ?  Ça c’est ma première préoccupation. Ma deuxième préoccupation est que, tout en notant  que l’opération épervier a cours depuis plus10 ans et si l’on ne s’en tien qu’aux derniers cinq années de gestion que feront nous des autres cinq années de gestion ? Notons qu’avant cette période, la gabegie dans ces sociétés d’Etat   était de taille. Je crois que chacun faisais ce qu’il voulait et on n’avait peur de personne. Si on ne s’en tien qu’à ces cinq ans de gestion alors que tous ces gestionnaires étaient au courant de cette opération, vous convenez avec moi qu’ils auraient pris le soin de fermer beaucoup de vannes qui permettaient de faire partir beaucoup de capitaux. Donc ils ont dérobé beaucoup d’argent aux justiciables camerounais.

 

Me qu’est ce qu’une faute de gestion ? Est ce qu’on peut assimiler une faute de gestion à un détournement ?

 

La précision que je peux apporter ici au regard de la loi de 1974  portant  sur les ordonnateurs gestionnaires  et les gérants  et des crédits  publiques  et entreprises publiques et parapubliques, modifiée en 176 c’est que, au chapitre premier, le législateur a parlé d’irrégularité. Et à l’article 3 de cette première section, ces irrégularités ont bien été définies par le législateur lui même. Toutes les fautes de gestion ne peuvent pas être des détournements, parce que, avec texte à l’appui, le détournement selon l’article 184 du code de procédure pénale est définie comme le fait  de garder par devers soit, d’intercepter ce qui est du à une entreprise d’Etat, à une société parapublique et des collectivités. C’est empocher ce qui est du  à une société d’Etat ou une société parapublique. C‘est changer de destination au fonds destinés à ces entreprises là.  C'est-à-dire, mettre l’argent qui  lui est destiné dans ses poches. Voilà ce qui peut être dit au  sujet du détournement.

 Parlant des fautes de gestion, le législateur n’est pas allé dans le même sens que le détournement.   A l’alinéa1 de l’article 3 de la loi suscitée, il cite des exemples de faute de gestion.  C’est le fait par exemple d’avoir engagé une dépense sans avoir qualité pour le faire ou sans avoir reçu dérogation à cet effet. Ce qui signifie que ça ne peut pas être toujours un détournement. Alinéa 2 de la même loi précise qu’est considéré comme faute de gestion l’engagement d’une dépense sans visa, autorisation ou décision préalable de l’autorité compétente. Ça ne peut pas s’assimiler à un détournement.

Au petit f de cette loi on parle également du recrutement  et emploi d’un agent sans avis ni contrôle  de la commission  budgétaire et financière quand ce control est prévu par le règlement, il y’en a comme ça  tout une pléthore que le législateur a bien voulu définir dans le cadre des irrégularités.

Mais, dans le même texte, si nous parcourons l’alinéa « j », de cet article 3 de la loi de 1974 modifiée en 1976, ayant pour décret d’application, le décret N° 2008/028 du 17 janvier 2008 traitant de l’organisation du conseil de discipline budgétaire et financière, est considéré comme faute de gestion, l’utilisation à des fins personnels  des agents  ou des biens publiques appartenant à une collectivité lorsque ces avantages  n’ont pas été accordés  par les lois et les règlementations en vigueur.

Nous sommes bien dans le cadre des fautes gestions bien établies qui s’assimilent à des détournements graves et qui sont punis parles articles 184 du code pénal. A titre de résumé, je peux dire que toutes les fautes de gestion ne peuvent pas faire l’objet de détournement. Mais, part contre, tous les détournements peuvent rentrer dans la catégorie des irrégularités de gestion.

 

Après cette décision du conseil supérieur de l’Etat, quel est la suite logique de cette procédure sur le plan juridique ?

 

Au  regard des textes applicables chez nous, au regard  de l’organisation du conseil de discipline et budgétaire de l’Etat (Cdbf), je dois dire pour ma part  qu’il faut noter qu’à l’article 11 nouveau du conseil de discipline budgétaire et comptable (Cdbc), et  à l’article 17 du décret de 2008 suscité, qui parle de l‘organisation du  conseil de discipline budgétaire et financière Cdbf il est expressément dit que, si l’instruction laisse apparaître des faits successible d’être qualifiés de crime infractions qui sont de nature  de l’ordre des crimes ou délit, le président du conseil transmet le dossier à l’autorité judiciaire. Et, cette transmission vaut plainte au nom de l’Etat. De la collectivité publique, de l’entreprise publique ou de l’organisme public concernés contre l’agent mis en cause.

 

 En clair, après le travail du contrôle supérieur de l’Etat, si les responsables de cette structure se rendent compte que, à l’analyse de certains dossiers comme c’est le cas dans l’affaire Iya, qu’on trouve qu’il  y en a qui sont assimilables aux délits et aux crimes puisqu’il s’agit de cela, le président du conseil transmet le dossier à l’autorité judiciaire. La loi est claire là-dessus. Et, cette transmission vaut plainte au nom de l’Etat. Il n’est plus question sur le plan juridique d’attendre que le chef de l’Etat fasse quelque chose. Qui à ce que l’autorité judiciaire classe ce dossier sans suite ou pas, ce n’est plus son  problème. Mais qu’on me dise qu’on a porté plainte à nouveau, ce n’est pas compréhensible. Puisque, en transmettant le dossier à l’autorité judiciaire, ça vaut plainte. Au regard des dispositions légales que je viens de citer, la seule transmission de ce document au président de la république vaut plainte au nom de l’Etat.

 

Pouvons nous sur ce déclarer sans risque de se tromper que Iya Mahomed est un justiciable en liberté ?

 

Il faut pareillement noter en passant que les décisions de ce conseil supérieur de l’Etat ne sont pas successibles de recours gracieux préalable. Elles peuvent faire l’objet de recours en annulation devant la cours de justice administrative sans que ce recours soit suspendu. Si le dossier a déjà été transmis avant l’introduction du recours, l’enquête suit son cours. Car, ce recours ne suspende pas la décision du (Cdbf). Il faut du moins noter que les mis en cause peuvent bénéficier d’un recours gracieux venant du président la république. S’il est avéré que le président du conseil a transmis à l’autorité judiciaire la copie de ce dossier alors cela à valeur de plainte. D’ailleurs, c’est l’autorité judiciaire qui déclenche le processus judiciaire.

 

Iya Mahomed a pareillement été suspendu  de la gestion des entreprises publiques pendant  une durée de sept ans. Etant pareillement président de la fédération camerounaise de football, peut-il continuer à exercer sans problème ?

                                                 

Ma vision et ma lecture de la chose c‘est que, le Cdbf s’en est tenu aux dispositions de article 14 nouveau de la loi de 1974 modifiée en 1976. L’alinéa « b » de cette loi donne la latitude au Cdbf  d’ordonner la suspension  des responsables à quelque titre que ce soit de la gestion ou la direction de toute entreprise publique et parapublique pendant une durée allant de 5 à 10 ans .

A ma connaissance  et mon analyse, cette sanction ne doit pas s’étendre à la Fécafoot puisque  cet organisme ne répond pas au canon de définition des entreprises d’Etat au sens de l’article 2 de la loi de1974 modifiée en 1976.

 Mais, sur le plan logique, sur le plan  morale, lorsque vous êtes déchus de vos droit, déjà que le pouvoir de déchéance du Cdbf est consigné dans le code pénale, lorsque les déchéances de l’article 30 du code pénale sont retenus contre vous, il vous est même interdit d’être tuteur, et même membre du conseil de votre famille.  Vous voyez donc que même sur le plan morale, vous ne pouvez plus continuer à gérer une organisation aussi sérieuse comme la Fécafoot jusqu’à l’annulation partielle ou totale de cette décision.

 

La publication des résultats  d’enquête du conseil supérieur de l’Etat contre Iya Mohamed s’inscrit dans le cadre de l’opération épervier. Quels commentaires faites-vous de cette initiative ?

 

L’appréciation que je fais de l’opération épervier c’est que je relève pour le déplorer que, depuis qu’elle a commencé, l’Etat continue à en dépenser plus qu’elle en encaisse. Et j’espère que, malgré les critiques qui sont faits au tribunal criminel spécial, que cela va permettre à tous ceux qui ont volé de l’argent de les rembourser. Je crois que ça va encourager les détourneurs, et tous ceux qui sont épinglés dans le cadre de ces opérations, de rembourser cet argent. Je le dis en tant que avocat des droits de l’homme, si tous ce qui a été détourné peut rentrer dans les caisses je pense que ça peut aider les pauvres citoyens  comme nous autres. En tant qu’avocat, je dirai que, c’est vrai nous  avons fait beaucoup de critique aux textes qui ordonnent la mise en œuvre de cette institution. Parce que, on n’a pas compris comment l’Etat pouvait encourager les gros détourneurs de fonds tandis que les petits voleurs croupissent en prison. Il y a plusieurs griefs que nous avons soulignés contre  le tribunal criminel spécial.

 

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